statue d'angelot levant un doigt devant sa bouche

Le prothésiste sort délicatement l’appareil de son écrin en bois et le présente à Marianne. Il le tient révérencieusement, comme s’il s’agissait d’un bijou précieux. La comparaison n’est pas inexacte : les prothèses du célèbre Antoine Bontret valent plus cher que bien des joyaux.

La main est si finement ciselée qu’on croirait une statue antique. Les articulations des doigts et du poignet révèlent d’intrigants rouages. L’avant-bras s’étire dans une belle rondeur, sa céramique luisant doucement à la lumière.

– Il sera possible de peindre la porcelaine, si ce prototype vous convient, madame. Nous pourrons l’ajuster au plus près de la couleur de votre peau. Voulez-vous l’essayer ?

Le prothésiste aide Marianne à ajuster un manchon protecteur sur le moignon de son coude. La blessure est guérie depuis longtemps, mais Marianne reste tendue, craignant la douleur sur la cicatrice qui lui couture la peau.

Pourtant, lorsque Antoine Bontret s’écarte, Marianne est surprise de voir la prothèse, ajustée à son bras, sans qu’elle ait presque senti quoi que ce soit. Doucement, il enfile un gant couleur chair sur la main artificielle.

– Je vous recommande de toujours porter un gant. Cela protège la prothèse, mais également ceux qui peuvent la toucher. La porcelaine est… froide. Beaucoup de gens en sont surpris.

Marianne garde les yeux fixés sur cette main, qui bouge légèrement à chaque mouvement de son épaule, presque comme si elle lui appartenait. Le spectacle est fascinant. Lentement, elle l’effleure de sa main gauche valide, et sourit alors.

– Un gant de velours ? Rassurez-moi, cette main n’est pourtant pas de fer ?

– Non, madame. Si vous le souhaitez, je peux vous proposer un autre modèle ; mais je suis certain que vous n’avez pas besoin de poigne pour mettre le monde à vos genoux. Un battement de cils suffirait…

Le prothésiste reste parfaitement impassible en disant cela, tandis que Marianne sent ses joues s’enflammer. Elle se concentre sur le poids de son nouveau bras, confuse ; mais le sourire d’Antoine Bontret ne lui échappe pas.

[image : Daria Nepriakhina]

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