[CW : violence]
– Qu’est-ce que la science, mesdames et messieurs ? C’est l’avenir !
Le bonimenteur suait sous la chaleur des projecteurs. La salle était comble. Victorine, dans le coin du parterre où elle était parvenue à se faufiler, peinait à respirer.
– Et l’avenir est déjà à nos portes.Voici le commencement d’une ère nouvelle, où plus rien n’est impossible !
L’homme s’approcha de la haute cage couverte d’un épais rideau de velours. D’un geste théâtral, il arracha le tissu et Victorine se pencha en avant pour mieux voir le miracle ainsi révélé.
La cage contenait une poupée à taille humaine, vêtue d’une sorte de chiton blanc qui dévoilait les articulations de ses bras. Ses épaules, son cou et son visage étaient de métal, luisant dans la lumière. La tête était dissimulée sous un voile blanc, sous lequel s’esquissaient à peine les traits.
– Sous vos yeux, pour la première fois au monde… L’anima automata !
Alors, l’automate fit un pas hors de la cage ouverte. Des cris résonnèrent. Docilement, la poupée se plia aux ordres de son créateur, pour le plus grand ravissement du public. Elle arpenta la scène, sauta à plus d’un mètre de hauteur, cassa en deux une planche de bois. Elle releva sa jupe pour dévoiler les rouages qui activaient ses jambes, dans un geste aguicheur qui fit rougir les dames et siffler les messieurs.
– Voilà, mesdames et messieurs, ce dont la science est capable. Bientôt, chacun de vous pourra se procurer un de ces miracles…
Mais Victorine ne l’écoutait plus. Derrière lui, l’automate venait de laisser tomber son voile. Son visage… Son visage était magnifique – sans doute, en tout cas. Car en cet instant, il était déformé par une grimace de la plus abjecte haine.
Sans un bruit, la création se rua sur son créateur. Et dans les hurlements d’horreur du public stupéfait, elle lui arracha le cœur.
Victorine s’accrocha à un bas-relief pour ne pas être emportée par la foule en panique. L’automate s’était relevée. Elle tenait toujours dans sa main, à présent maculée de sang, le cœur fumant.
Puis, les traits tordus de douleur, l’anima automata vint plaquer ce cœur contre sa poitrine, encore et encore.
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