Carte ancienne représentant l'Afrique, l'Asie et l'Europe. Titre : "multiculturel"

Les diplomates en débattirent longtemps ; Londres était bien sûr hors de question, mais Paris avait été proposée, ou encore Washington. Au final, ce fut Istanbul qui l’emporta.

Durant les trois semaines suivantes, tout ce qui se comptait de jeunes gens afflua de toute l’Europe vers l’Empire Ottoman. Il y avait là, bien sûr, des aristocrates en plein Grand Tour, suivis de riches bourgeois, parfois envoyés par leurs parents pour faire des affaires, parfois venus contre l’avis familial. Mais on y trouvait aussi des socialistes convaincus qui se déplaçaient avec un sac marin pour tout bagage, des artistes sans le sou venus dépeindre la célèbre Raja Nayaka, des anarchistes qui se régalaient d’assister à la première véritable défaite britannique depuis un demi-siècle.

Car en ce mois de juin 1857, l’Empire Indien, dans une retentissante victoire, venait de bouter hors de ses frontières la Compagnie des Indes Orientales. La capitale ottomane bruissait toute entière. Le français, l’anglais, le turc et le russe s’entendaient partout ; mais l’on parlait également plusieurs dialectes hindoustanis, ainsi que les langues de l’Empire Mandé, allié de l’Inde. Les cafés des grandes avenues se divisèrent d’abord en repères de différentes nations, et l’on pouvait en une soirée débattre dans une ambiance toute parisienne, prendre le thé à la turque ou à la russe, avant d’aller s’embaumer les papilles de cuisine malienne et de découvrir la musique indienne.

Puis, alors que la conférence de paix battait son plein, il advint quelque chose d’étrange : toutes ces cultures, peu à peu, se mêlèrent. Les artistes qui croquaient les gigantesques éléphants mécaniques de Raja Nayaka virent apparaître dans leurs dessins des couples inattendus, cravates amidonnées et pagnes colorés, ombrelles en dentelle et saris de soie précieuse.

Certains historiens attribuèrent par la suite à cette première conférence d’Istanbul les prémices de la Société Internationale d’Études Culturelles, fondée un an plus tard par Chandra Agarwal, Djibril Moussa, Camille de Longcourt et Stanislav Andreiev… dans un café d’Istanbul, devenue une véritable porte entre trois continents.

[image : lance87]

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