Tête d'un éléphant mécanique, venu des machines de l'île de Nantes

Raja Nayaka ajusta une dernière fois sa tenue d’apparat, tant que les voiles du howdah la dissimulaient aux regards. Sous elle, l’éléphant mécanique ronflait et fumait, surchauffé. Mais peu importait : ses ingénieurs lui avaient assuré que les machines tiendraient. Et même si une ou deux cédaient sous le soleil cuisant, ce serait peu cher payé pour s’assurer une alliance avec les Malinké. Devant elle s’étendait la plaine de Kurukan Fuka, et au loin se dessinaient les bâtiments de la capitale de l’empire Mandé.

Derrière Raja, son fidèle garde du corps se racla la gorge. Il désapprouvait qu’elle soit venue personnellement, mais cette alliance était essentielle s’ils voulaient résister aux Britanniques. Elle renonça cependant à le lui rappeler. Le fidèle Tarak était la personne la plus entêtée qu’elle connaisse. Autant qu’elle économise son souffle. Elle allait en avoir besoin dans les négociations à venir.

De l’autre côté de la plaine, le djéli Toumani Diabaté regardait approcher les gigantesques éléphants métalliques de l’empire indien. Devant lui, son diatigui, le puissant roi-guerrier de Mandé, avançait d’un pas tranquille.

Lorsque la proposition de Raja Nayaka leur était parvenue, nombre des conseillers avaient été d’avis de refuser. Mais le diatigui s’était tourné vers Toumani. Celui-ci avait alors proclamé le chant du légendaire Soundiata Keita, rappelant à tous l’importance pour un roi de se faire de bons alliés.

Et à présent, devant cette armée de monstrueuses machines qui faisaient trembler le sol, Toumani ne pouvait que se féliciter de sa position. Assurément, les empires européens qui les menaçaient ne pourraient faire face à leurs forces unies.

Raja Nayaka descendit d’une nacelle toute ornée d’or et de pierres précieuses, suivie de son fidèle gardien. Le diatigui de Toumani s’avança à sa rencontre, entraînant avec lui sages et conseillers. Et le djéli leur emboîta le pas, son instrument pendu à l’épaule, les oreilles et les yeux grands ouverts. Il sentait le récit prendre forme devant lui.

Rien ne serait perdu de ce moment historique.

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