Cirque

Le cirque arriva en ville durant la nuit, dans un frisson de rires et un murmure de chansons. Et, comme tous les ans, la ville se changea pour l’accueillir.

Dans les armoires, les vêtements se métamorphosèrent dans un tourbillon de dentelles et de couleurs. Des chapeaux de toutes sortes apparurent sur les patères, et de théâtrales capes en velours remplacèrent les manteaux ternes. Les rares oiseaux de nuit remarquèrent les premiers ces changements, quand couteaux de lancer et foulards infinis se matérialisèrent dans leurs poches.

À leur réveil, les enfants poussèrent des cris de joie en réalisant l’arrivée du cirque, et s’empressèrent de revêtir redingotes et lunettes de cuivre, pour aller rejoindre la place principale. Leurs parents suivaient en dansant, en sautillant et en jouant les équilibristes sur les cordes qui reliaient à présent les réverbères.

Le grand chapiteau était là, ouvert aux quatre vents, résonnant déjà de la musique joyeuse, des éclats de rire et des applaudissements. Dans une clameur unanime, tous se précipitèrent pour entrer. Petits et grands se rassemblèrent dans les gradins, les yeux rivés sur la piste.

Et, l’un après l’autre, les habitants, transformés comme toute la ville, dévoilèrent leurs meilleurs tours à leurs voisins. Funambules et acrobates, mimes et clowns, dompteurs de fauves et cascadeurs à cheval… Le cirque était venu à eux et ils étaient à présent le cirque, tous sans exception.

Cela dura trois jours et trois nuits. Puis, épuisée, toute la ville finit par s’assoupir, ses habitants effondrés sur le rebord des fontaines, sur les marches de immeubles et dans des lits qui ne leur appartenaient pas.

Alors, le cirque, dans un frisson et un murmure, rappela ses atours, ses talents et ses merveilles. Et il reprit la route, vers une nouvelle destination, pour tisser d’autres enchantements.

[image : Mariusz Matuszewski]