Vitrine présentant diverses antiquités, avec un écriteau "closed", fermé.

« Mesdemoiselles Lebrun, Leblond et Leroux », lisait-on sur l’enseigne, « Objets anciens et bagatelles de goût ».

Annabelle passait devant la boutique tous les midi, durant sa pause à l’école pour jeunes filles où elle dispensait ses cours de bonnes manières. Malheureusement, la porte était toujours close. Toujours… Jusqu’à un beau jour de mai.

Annabelle ne se le fit pas dire deux fois : elle franchit le seuil en retenant son souffle…

Et se fit aussitôt attaquer par un guéridon.

« Attention ! » s’exclama une jeune femme rousse en l’attrapant par le bras.

Le guéridon heurta le chambranle de la porte avec fracas, avant d’opérer un improbable demi-tour sur ses longs pieds ouvragés. Annabelle, sous le choc, ne put que regarder en silence le meuble se précipiter à nouveau dans sa direction. Fort heureusement, une autre femme apparut alors devant elle et dressa le bras d’un geste impérieux. Le guéridon explosa littéralement, comme s’il avait heurté un mur invisible, et Annabelle se couvrit le visage avec un cri.

Lorsqu’elle releva les yeux, il ne restait du meuble meurtrier que du petit bois éparpillé sur le tapis usé. Les deux dames la regardaient. La rousse, qui ne devait pas avoir plus de seize ans, lui souriait d’un air avenant ; la brune, une forte matrone, faisait la moue.

« Tu vois, Arabella, je t’avais dit que nous trouverions une nouvelle mademoiselle Leblond, dit la plus jeune.

– Anne-Louise, tu n’y songes pas. Simplement parce qu’elle a pu passer la porte ne veut pas dire…

– Allons, allons, ne fais pas ta mauvaise tête. Commençons par nous comporter en hôtesses dignes de ce nom. Mademoiselle Leroux, pour vous servir, et voici mademoiselle Lebrun.

– Ma… Mademoiselle Perthier, à votre service », répondit mécaniquement Annabelle, rattrapée par toutes ses leçons de bonnes manières. « Était-ce un… Qu’était-ce ?

– Oh, rien de plus qu’un guéridon enchanté, ne vous inquiétez pas. Il ne vous aurait pas fait beaucoup de mal… Quoique, s’il s’était mis à lui pousser des dents… Enfin. Vous joindrez-vous à nous pour une tasse de café ? »

Plus loin dans la boutique, une horloge sonna douze coups. Puis treize. Annabelle hocha la tête.

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