Un dragon en acier composé de rouages

Les portes de l’église éclatèrent et Madeleine ne put que se terrer derrière l’autel, les larmes ruisselant sur son visage.

Elle avait reçu une éducation soignée, sous l’égide de religieuses. Bonnes manières et prières avaient constitué l’essentiel de son quotidien durant seize ans. Puis l’apocalypse avait commencé. Mais comme Saint Jean s’était trompé !

Madeleine avait fiévreusement compulsé sa Bible, tentant de trouver un sens aux catastrophes qui se succédaient. L’humanité était peut-être jugée ; mais les anges n’étaient nulle part, et les démons avaient emporté le combat. La terre tremblait chaque jour, vomissant des créatures monstrueuses. Gigantesques reptiles malformés, dragons de légendes médiévales, qui détruisaient sans pitié villes, armées, nations… Madeleine ne savait par quel miracle elle avait survécu jusque là.

La créature remontait la nef dans un souffle rauque. La main plaquée sur sa bouche, Madeleine tentait de retenir ses sanglots. Elle allait mourir, dévorée par un monstre.

C’est alors que les vitraux au-dessus d’elle explosèrent dans une pluie de verre coloré, laissant apparaître la gueule fumante d’un dragon. Madeleine ne put retenir un cri de terreur quand la bête bondit dans l’église. L’autel trembla dans son dos, puis une pluie de gravats s’abattit autour d’elle. Madeleine rampa à l’abri tandis que les monstres s’affrontaient.

Ce dragon avait quelque chose d’étrange. Tous ces monstres étaient un affront à la nature, mais celui-ci… Il ressemblait à une machine. À y regarder de plus près, les jointures de ses membres dévoilaient d’imposants rouages. Même ses mouvements semblaient plus saccadés que ceux de son adversaire – ce qui ne l’empêcha pas de l’emporter, broyant le crâne reptilien dans un flot de sang noir.

Le dragon laissa tomber le cadavre déchiqueté sur ce qu’il restait de l’autel et tourna la tête. Madeleine retint son souffle, sidérée par le sang qui gouttait de ses crocs. C’est alors qu’une trappe s’ouvrit au niveau du ventre de la bête, laissant apparaître une frêle silhouette.

« Eh, toi ! Ça va ? Allez, viens, avant que d’autres lézards rappliquent. »

[image : Schnellzeichnerin]

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.