Gravure ancienne représentant deux fées sur un roseau face à un brochet

La devanture de la poissonnerie ne payait pas de mine ; l’odeur iodée qui s’en exhalait tirait sur le nauséabond, en cette fin de chaude journée d’été.

Mademoiselle Victorine d’Amérieux n’était pas du genre à se laisser arrêter par une simple odeur, si putride soit-elle. Là, au coin de la devanture, se trouvait le symbole qu’on lui avait indiqué, une petite fée comme sortie d’un livre de contes.

Elle entra sans hésiter. S’il s’agissait d’une plaisanterie, elle en serait quitte pour se ridiculiser ; ce ne serait ni la première fois, ni sans doute la dernière, et loin d’être la pire.

« Bonjour. Je cherche du poisson volant, s’il vous plaît. »

Le poissonnier paraissait tout ce qu’il y avait de plus honnête, mais elle lui fit glisser le petit papier qu’elle avait préparé, avant de repartir avec une livre de maquereau qui avait connu des jours meilleurs. Il ne restait plus qu’à espérer qu’elle ne serait pas déçue.

Cette nuit-là, Victorine se releva une fois que toute la maisonnée se fut retirée. En silence, elle ouvrit la porte de la bibliothèque et se rencogna dans le recoin le plus sombre.

L’horloge venait de sonner deux heures du matin lorsqu’elle entendit le léger vrombissement. Elle retint son souffle et serra l’ourlet de sa robe de chambre pour s’empêcher de bouger.

Là, devant la vitre, une silhouette apparut soudain, seulement éclairée par la pleine lune. Elle était plutôt fine, comme une jeune fille ; et dans son dos, deux larges ailes battaient à un rythme frénétique, la maintenant au niveau du premier étage du manoir sans difficulté.

La « fille de l’air », cette voleuse qui faisait la une des journaux depuis plusieurs mois, était bien réelle. Elle était en train d’ouvrir la fenêtre de la bibliothèque, à présent elle se posait sur le rebord de la fenêtre, avant de tirer sur une sangle reliée à son harnais qui immobilisa ses ailes sans un bruit. Victorine attendit qu’elle se soit avancée dans la pièce ; alors seulement, elle se releva, les mains ouvertes devant elle.

« Je vous attendais. J’ai besoin de vos services. »

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